La pratique du travail des mineurs n'est pas nouvelle en Haïti; on peut le retrouver depuis l'époque coloniale. Cette forme d’exploitation est tellement courante en Haïti que même la société civile et les organismes gouvernementaux restent complaisants pendant que des dizaines de milliers d’enfants des zones rurales - essentiellement des filles - sont réduits à servitude. Étant donné que les enfants des zones rurales d'Haïti sont nés des parents les plus pauvres du pays, ces derniers qui sont souvent incapables de les nourrir, décident de les envoyer vivre chez une famille, un ami ou un étrangerdans en milieux urbain où ils sont obligés de travailler en échange de la nourriture, du logement et de la possibilité d'aller à l'école. Les trois quarts de ces enfants sont des filles dont leur âge varie entre 5 et 14 ans.
Bien que l’on pense généralement que ces enfants sont en sécurité dans les familles d’accueil, ils sont souvent obligés de travailler dans des conditions dangereuses. Ils doivent être disponibles 24 heures sur 24 et sont parfois abusés par un ou plusieurs membres de la famille d'accueil. Certains ne sont pas autorisés d'aller à l'école, alors que ceux-la qui en ont l'opportunité sont trop fatigués pour y aller. En outre, il existe une stigmatisation psychologique et sociale qui peut avoir un impact négatif sur les enfants qui ont été soumis au travail domestique tout au long de leur vie. Le travail des enfants est également pratiqué dans les ménages ruraux pauvres, où les enfants mineurs doivent aider leurs parents dans de nombreuses activités pour lesquelles ils ne sont pas prêts physiquement et émotionnellement. Le temps que ces enfants auraient dû passer à l’école est consacré à des activités vitales pour leur survie. Ils comprennent, sans toutefois s'y limiter, les travaux ménagers, l'agriculture, l'élevage, la pêche, la transformation, la récolte, la vente de marchandises sur les trottoirs et les kiosques, etc.
La loi haïtienne interdit l'emploi de mineurs de moins de 12 ans en tant que travailleurs domestiques. Le gouvernement haïtien a signé des pactes internationaux, notamment la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention relative aux droits de l'enfant, qui interdit l'esclavage et la servitude des enfants. Cependant, adopter des lois pour mettre fin au travail des mineurs en Haïti ne suffit pas. Les enfants font l'objet de trafic à la fois à l'intérieur du pays et en République Dominicaine. Toutefois, le Ministère des Affaires Sociales et du Travail, chargé de la protection des enfants et des travailleurs, n'a pris aucune mesure pour faire respecter la loi.
Interdire la pratique du travail des enfants est une étape majeure dans la résolution de ce problème, mais il est tout aussi important de souligner sa cause principale, qui est l'extrême pauvreté. Par expérience, nous savons que le seul moyen d’arrêter et de prévenir le travail des enfants en Haïti est de réduire la pauvreté grâce à l’autonomisation des femmes qui unissent ces communautés rurales depuis des siècles. Autonomiser les femmes, dans ce contexte, implique également la mise en place de mécanismes permettant aux femmes paysannes d’Haïti d’avoir accès aux ressources de manière durable. Comment savons-nous que c'est la meilleure solution? En parcourant la littérature sur le travail et l'exploitation des enfants en Haïti au cours des trois derniers siècles, nous avons constaté que seuls les enfants nés de parents pauvres font toujours l'objet de cette situation déshumanisante.